La construction d’une pergola sans autorisation ou non conforme aux règles d’urbanisme représente une source fréquente de contentieux entre voisins ou avec les autorités administratives. Face à ces situations, la justice dispose d’un levier coercitif puissant : l’astreinte. Cette mesure, prononcée par un juge, vise à contraindre le propriétaire récalcitrant à exécuter une décision de justice, généralement la démolition ou la mise en conformité de l’ouvrage litigieux. La particularité de l’astreinte réside dans son caractère progressif et potentiellement illimité, ce qui en fait un outil juridique redoutable dont les conséquences financières peuvent largement dépasser la valeur de la pergola elle-même. L’analyse de ce mécanisme judiciaire spécifique permet de comprendre les enjeux pratiques et juridiques auxquels sont confrontés les propriétaires de constructions illicites.
Le cadre juridique des pergolas et les infractions courantes
Avant d’aborder les mécanismes de l’astreinte, il convient d’examiner le cadre réglementaire applicable aux pergolas. Contrairement à une idée reçue, ces structures ne sont pas systématiquement exemptées d’autorisation préalable. Leur statut juridique varie selon plusieurs critères déterminants.
La réglementation des pergolas s’inscrit principalement dans le Code de l’urbanisme. Selon l’article R.421-9 du Code de l’urbanisme, les constructions nouvelles créant une emprise au sol ou une surface de plancher comprise entre 5 et 20 m² sont soumises à une déclaration préalable. Au-delà de 20 m², un permis de construire devient obligatoire. Pour les pergolas situées dans des zones protégées (secteurs sauvegardés, sites classés, etc.), les seuils sont plus restrictifs, avec une déclaration préalable nécessaire dès le premier mètre carré.
Les infractions les plus fréquentes concernant les pergolas incluent :
- L’absence totale d’autorisation administrative
- Le non-respect des dimensions déclarées
- La violation des règles du Plan Local d’Urbanisme (PLU)
- L’atteinte aux droits des tiers (vues directes, servitudes)
- La construction en zone non constructible
La jurisprudence a précisé le statut des pergolas à travers plusieurs décisions marquantes. Dans un arrêt du Conseil d’État du 9 juillet 2018 (n° 411117), les juges ont confirmé qu’une pergola constitue bien une construction au sens du Code de l’urbanisme, même lorsqu’elle est démontable. Cette qualification entraîne l’application pleine et entière des règles d’urbanisme.
Les tribunaux administratifs ont également eu l’occasion de se prononcer sur la distinction entre pergola et extension d’habitation. Ainsi, une pergola fermée sur plusieurs côtés peut être requalifiée en extension, ce qui modifie substantiellement le régime d’autorisation applicable (TA de Nice, 14 mars 2017).
Le contentieux lié aux pergolas peut être initié par différents acteurs. Les voisins disposent d’un intérêt à agir lorsque la construction porte atteinte à leur cadre de vie ou à la valeur de leur propriété. L’administration (commune, préfet) peut engager des poursuites pour violation des règles d’urbanisme. Enfin, le ministère public peut intervenir en cas d’infraction pénale caractérisée.
La méconnaissance de ces règles expose le propriétaire à des sanctions graduées, dont l’astreinte constitue l’un des derniers échelons, mais certainement pas le moins redouté. La compréhension de ce cadre juridique est fondamentale pour saisir la légitimité et la portée des mesures d’astreinte qui peuvent être prononcées en cas de non-conformité.
Nature et fondements juridiques de l’astreinte
L’astreinte représente une mesure comminatoire destinée à vaincre la résistance d’un débiteur récalcitrant face à l’exécution d’une obligation, généralement de faire ou de ne pas faire. Dans le contexte des pergolas illicites, elle vise à contraindre le propriétaire à respecter une décision de justice ordonnant la démolition ou la mise en conformité de l’ouvrage.
Le fondement législatif de l’astreinte se trouve principalement dans les articles L131-1 à L131-4 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions confèrent au juge le pouvoir de prononcer une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. En matière d’urbanisme, l’article L480-8 du Code de l’urbanisme prévoit spécifiquement la possibilité pour le tribunal de prononcer une astreinte en cas de non-respect d’une injonction de démolition ou de mise en conformité.
L’astreinte possède plusieurs caractéristiques distinctives qui en font un mécanisme juridique particulier :
- Elle est accessoire à une décision principale
- Elle présente un caractère comminatoire (menace financière)
- Elle est généralement provisoire avant sa liquidation
- Elle peut être progressive (montant augmentant avec le temps)
- Elle est indépendante des dommages-intérêts éventuels
La Cour de cassation a précisé la nature juridique de l’astreinte dans un arrêt de principe du 29 mai 1990 (n° 89-12.309), en soulignant qu’elle « n’est pas une mesure d’exécution mais une mesure de contrainte entièrement distincte des dommages-intérêts, et qui n’est pas destinée à compenser le préjudice né du retard ».
Dans le domaine spécifique des pergolas illicites, l’astreinte intervient généralement après l’échec d’autres procédures moins coercitives. Elle peut être prononcée soit par le juge judiciaire (notamment dans le cadre d’un litige entre voisins), soit par le juge administratif (dans le cadre d’un contentieux avec l’administration).
La jurisprudence a développé plusieurs critères d’appréciation pour déterminer le montant et les modalités de l’astreinte. Parmi ces critères figurent :
– La gravité de l’infraction aux règles d’urbanisme
– L’attitude du propriétaire face aux demandes préalables
– Les capacités financières du débiteur
– La complexité des travaux à réaliser
– L’impact environnemental ou esthétique de la construction
Un arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 21 janvier 2021 (n° 19MA01234) illustre cette approche. Dans cette affaire, les juges ont fixé une astreinte de 100 euros par jour de retard pour la démolition d’une pergola construite sans autorisation en zone littorale protégée, en tenant compte à la fois de l’atteinte portée à l’environnement et des ressources financières du propriétaire.
La compréhension de la nature juridique de l’astreinte permet de saisir pourquoi cette mesure s’avère souvent plus redoutable que d’autres sanctions comme l’amende pénale, dont le montant est plafonné. L’astreinte, par son caractère potentiellement illimité dans le temps, peut atteindre des sommes considérables, parfois disproportionnées par rapport à la valeur même de la pergola litigieuse.
Procédure de prononcé et modalités pratiques de l’astreinte
L’astreinte liée à une pergola illicite s’inscrit dans une procédure judiciaire ou administrative précise, dont la connaissance est primordiale pour les propriétaires concernés. Cette procédure comporte plusieurs étapes distinctes, de l’introduction de l’instance jusqu’à la liquidation finale de l’astreinte.
La procédure débute généralement par une mise en demeure adressée au propriétaire de la pergola litigieuse. Cette étape préalable, bien que non systématiquement obligatoire, est recommandée pour démontrer la mauvaise volonté du contrevenant. Dans le cadre d’un contentieux entre voisins, cette mise en demeure prend la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception. En cas d’infraction aux règles d’urbanisme, l’administration peut dresser un procès-verbal constatant l’infraction, suivi d’un arrêté de mise en demeure.
En l’absence de réaction satisfaisante, la partie lésée (voisin ou administration) peut saisir le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent. La demande d’astreinte peut être formulée dès l’assignation initiale ou ultérieurement en cours de procédure. Elle doit préciser le montant sollicité et les modalités d’application (astreinte fixe ou progressive).
Lors de l’audience, le juge examine plusieurs éléments avant de se prononcer sur l’astreinte :
- L’illégalité avérée de la pergola au regard des règles applicables
- La faisabilité technique de la démolition ou mise en conformité
- Le comportement du propriétaire (bonne ou mauvaise foi)
- L’équilibre entre la contrainte exercée et l’objectif poursuivi
Si le juge décide de prononcer une astreinte, il en fixe le montant et les modalités dans son jugement. Selon l’article L131-2 du Code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte peut être provisoire ou définitive. L’astreinte provisoire, plus fréquente, sera ultérieurement liquidée par le juge, qui conserve la possibilité de la modérer ou de la supprimer. L’astreinte définitive ne peut, en revanche, être modifiée par le juge lors de sa liquidation.
Dans un arrêt du Conseil d’État du 15 octobre 2020 (n° 432990), les juges ont rappelé que le montant de l’astreinte doit être fixé en tenant compte du comportement de la personne à qui l’injonction est adressée et des difficultés qu’elle rencontre pour l’exécuter. Pour une pergola construite sans autorisation dans une zone protégée, ils ont ainsi confirmé une astreinte de 150 euros par jour, considérant que ce montant n’était pas disproportionné compte tenu de la persistance de l’infraction.
Après le prononcé de l’astreinte, un délai d’exécution est généralement accordé au propriétaire pour procéder à la démolition ou à la mise en conformité de sa pergola. Ce délai varie généralement de un à trois mois, selon la complexité des travaux à réaliser. À l’expiration de ce délai, l’astreinte commence à courir automatiquement, sauf si le jugement prévoit d’autres modalités.
La signification du jugement prononçant l’astreinte constitue une étape formelle indispensable. Elle est généralement effectuée par huissier de justice, qui remet une copie du jugement au propriétaire de la pergola. Cette signification marque le point de départ du délai d’appel (un mois en matière civile) et permet de faire courir les délais d’exécution.
La procédure se poursuit par une phase de liquidation de l’astreinte, qui intervient lorsque le propriétaire n’a pas exécuté la décision dans le délai imparti. Le créancier (voisin ou administration) doit alors saisir à nouveau le juge pour qu’il constate l’inexécution et procède à la liquidation de l’astreinte. Cette liquidation transforme l’astreinte en créance exigible, dont le recouvrement peut être poursuivi par toutes les voies d’exécution de droit commun (saisie sur compte bancaire, saisie immobilière, etc.).
Stratégies face à une astreinte pour une pergola non conforme
Confronté à une astreinte concernant une pergola non conforme, le propriétaire dispose de plusieurs options stratégiques, tant sur le plan juridique que pratique. Ces stratégies doivent être soigneusement évaluées en fonction des circonstances spécifiques de chaque situation.
La première stratégie, souvent la plus raisonnable, consiste à se conformer promptement à la décision de justice. Cette approche permet d’éviter l’accumulation des montants d’astreinte et de limiter les frais juridiques supplémentaires. Selon la nature de l’infraction, cette mise en conformité peut prendre plusieurs formes :
- La démolition complète de la pergola
- La régularisation administrative (obtention a posteriori d’une autorisation)
- La modification partielle de la structure pour la rendre conforme
Dans un arrêt du Conseil d’État du 6 décembre 2019 (n° 423630), les juges ont confirmé que la régularisation administrative postérieure au jugement peut mettre fin à l’astreinte, à condition que cette régularisation soit légale et effectivement obtenue. Cette possibilité représente une issue favorable pour les propriétaires dont l’infraction est susceptible de régularisation.
La deuxième stratégie consiste à contester la décision prononçant l’astreinte par les voies de recours disponibles. L’appel peut être formé dans un délai d’un mois suivant la signification du jugement. Cependant, il faut noter que l’appel n’est pas suspensif en matière d’astreinte, sauf si le juge d’appel accorde expressément cette suspension. Le pourvoi en cassation constitue une voie de recours supplémentaire, mais limitée aux questions de droit.
Les moyens de contestation peuvent porter sur plusieurs aspects :
– L’absence d’infraction aux règles d’urbanisme
– Le défaut d’intérêt à agir du demandeur
– La prescription de l’action (généralement 6 ans en matière d’urbanisme)
– Le caractère disproportionné du montant de l’astreinte
– Des vices de procédure dans le jugement
La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 juin 2021 (n° 20-13.911), a rappelé que l’astreinte doit être proportionnée à la gravité de l’infraction et aux capacités financières du débiteur. Cette jurisprudence ouvre une voie de contestation pour les astreintes manifestement excessives.
Une troisième stratégie consiste à négocier avec le bénéficiaire de l’astreinte. Dans le cadre d’un litige entre voisins, une médiation peut permettre de trouver un compromis acceptable pour les deux parties. Cette approche présente l’avantage de préserver les relations de voisinage et d’éviter des procédures longues et coûteuses.
La transaction, encadrée par les articles 2044 et suivants du Code civil, peut formaliser cet accord. Elle pourrait prévoir, par exemple, une modification partielle de la pergola plutôt qu’une démolition complète, ou l’installation d’écrans végétaux pour limiter les nuisances visuelles. La transaction doit être homologuée par le juge pour mettre fin à l’astreinte.
Lorsque l’astreinte a déjà commencé à courir, une stratégie complémentaire consiste à solliciter sa modération lors de la phase de liquidation. L’article L131-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en effet que le juge peut, lors de la liquidation de l’astreinte provisoire, tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour exécuter la décision.
Cette demande de modération peut s’appuyer sur divers arguments :
– Des obstacles techniques imprévus
– Des conditions météorologiques défavorables
– Des délais administratifs indépendants de la volonté du propriétaire
– Une situation financière ou personnelle particulière
Dans un arrêt du Tribunal administratif de Lyon du 12 mars 2022, les juges ont accepté de réduire de 50% le montant d’une astreinte concernant une pergola illicite, en raison des efforts partiels du propriétaire et des difficultés financières qu’il rencontrait.
Enfin, en cas d’impossibilité absolue d’exécuter la décision, le propriétaire peut invoquer la force majeure. Cette notion, définie à l’article 1218 du Code civil, suppose un événement imprévisible, irrésistible et extérieur à la volonté du débiteur. Toutefois, les tribunaux interprètent strictement ces critères, et les simples difficultés financières ou techniques ne constituent généralement pas un cas de force majeure.
Implications financières et conséquences pratiques de l’inexécution
Les implications financières d’une astreinte non respectée concernant une pergola illicite peuvent s’avérer considérables, dépassant largement le coût initial de la construction. Cette réalité économique constitue précisément l’effet dissuasif recherché par le mécanisme de l’astreinte.
Le calcul du montant total de l’astreinte s’effectue en multipliant le taux journalier fixé par le juge par le nombre de jours écoulés depuis l’expiration du délai d’exécution. Pour une pergola de taille modeste, les tribunaux prononcent généralement des astreintes comprises entre 50 et 200 euros par jour. À titre d’exemple, une astreinte de 100 euros quotidiens pendant six mois représente déjà une somme de 18 000 euros, souvent supérieure à la valeur même de la pergola.
La jurisprudence montre que les montants cumulés peuvent atteindre des niveaux très élevés. Dans un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 8 septembre 2020, une astreinte liquidée à 37 500 euros a été confirmée pour une pergola non démontée après 250 jours, à raison de 150 euros par jour. Les juges ont souligné l’absence totale de démarches du propriétaire pour se conformer à la décision initiale.
Au-delà du montant principal de l’astreinte, d’autres coûts viennent alourdir le bilan financier :
- Les frais de justice (avocats, huissiers, expertises)
- Les intérêts légaux sur le montant liquidé
- Les dommages-intérêts éventuellement accordés à la partie adverse
- Les frais d’exécution forcée en cas de démolition d’office
L’impact sur le patrimoine du propriétaire peut être substantiel. En effet, l’astreinte liquidée constitue une créance exécutoire qui peut donner lieu à diverses mesures de recouvrement. Le créancier (voisin ou administration) peut ainsi procéder à :
– Une saisie sur compte bancaire
– Une saisie sur rémunération
– Une saisie-vente de biens mobiliers
– Une saisie immobilière en cas de montants importants
La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 janvier 2022 (n° 20-17.789), a confirmé que l’astreinte liquidée constitue une créance distincte de l’obligation principale et peut faire l’objet de mesures d’exécution indépendantes, même si le débiteur a finalement exécuté l’obligation principale (démolition de la pergola).
Sur le plan fiscal, l’astreinte présente une particularité notable : contrairement aux amendes pénales, elle n’est pas déductible des revenus imposables. Cette caractéristique renforce encore son impact financier pour le propriétaire.
Au-delà des aspects purement financiers, l’inexécution d’une décision de justice ordonnant la démolition d’une pergola illicite peut entraîner des conséquences pratiques significatives :
En premier lieu, la démolition d’office peut être ordonnée par le juge, conformément à l’article L480-9 du Code de l’urbanisme. Dans ce cas, l’administration est autorisée à faire procéder aux travaux de démolition aux frais du propriétaire récalcitrant. Cette procédure, particulièrement intrusive, s’accompagne généralement d’une intervention des forces de l’ordre pour garantir l’accès à la propriété.
Par ailleurs, l’inscription au fichier des incidents de paiement peut résulter du non-paiement de l’astreinte liquidée, compromettant ainsi l’accès au crédit pour le propriétaire concerné.
L’impact sur la valeur immobilière du bien doit également être pris en compte. Une procédure judiciaire en cours relative à une construction illicite doit être mentionnée lors d’une vente, ce qui peut dissuader les acquéreurs potentiels ou entraîner une décote significative.
Les relations de voisinage sont inévitablement affectées par ce type de contentieux, créant un climat conflictuel durable qui peut dégrader la qualité de vie dans le quartier.
Enfin, en cas de persistance dans le refus d’exécuter la décision de justice, le propriétaire s’expose à des poursuites pénales pour résistance à l’exécution d’une décision de justice. L’article 434-7 du Code pénal prévoit des peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour ce délit.
Face à ces conséquences potentiellement dévastatrices, la rationalité économique plaide généralement en faveur d’une exécution rapide de la décision ordonnant la démolition ou la mise en conformité de la pergola litigieuse, même si cette solution peut sembler coûteuse à court terme.
Évolutions jurisprudentielles et perspectives d’avenir
L’application de l’astreinte aux litiges concernant les pergolas illicites a connu plusieurs évolutions jurisprudentielles significatives ces dernières années. Ces tendances dessinent de nouvelles perspectives pour les propriétaires et les praticiens du droit.
Une première tendance jurisprudentielle marquante concerne la sévérité croissante des tribunaux face aux infractions aux règles d’urbanisme. La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 mars 2021 (n° 19-21.463), a validé une astreinte particulièrement élevée de 250 euros par jour pour une pergola construite sans autorisation dans une zone protégée. Cette décision s’inscrit dans un mouvement plus large de protection renforcée du patrimoine architectural et paysager.
Parallèlement, les juridictions administratives ont développé une jurisprudence nuancée concernant la possibilité de régularisation des constructions illicites. Le Conseil d’État, dans sa décision du 9 juillet 2021 (n° 438047), a précisé les conditions dans lesquelles une régularisation administrative peut mettre fin à l’astreinte. Cette jurisprudence ouvre des perspectives intéressantes pour les propriétaires dont l’infraction est susceptible de régularisation.
Les critères retenus pour cette régularisation comprennent :
- La bonne foi du propriétaire
- L’absence d’atteinte grave aux règles d’urbanisme
- La possibilité technique de mise en conformité
- L’absence d’opposition des tiers ayant un intérêt à agir
Une autre évolution notable concerne l’appréciation de la proportionnalité des astreintes. Les juridictions tendent désormais à mieux prendre en compte la situation personnelle du débiteur et la nature exacte de l’infraction. Dans un arrêt du 14 janvier 2022, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a réduit une astreinte de 200 à 80 euros par jour, considérant que le montant initial était disproportionné au regard des ressources modestes du propriétaire et de l’impact limité de sa pergola sur l’environnement.
Sur le plan législatif, plusieurs réformes récentes ont modifié le cadre applicable aux astreintes et aux infractions d’urbanisme. La loi ELAN du 23 novembre 2018 a notamment renforcé les pouvoirs des maires en matière de police de l’urbanisme, tout en simplifiant certaines procédures administratives. Cette évolution témoigne d’une volonté de trouver un équilibre entre répression des infractions et simplification administrative.
Les perspectives d’avenir laissent entrevoir plusieurs tendances potentielles :
D’une part, le développement des modes alternatifs de règlement des litiges (MARL) pourrait offrir de nouvelles voies pour résoudre les conflits liés aux pergolas non conformes. La médiation, encore peu utilisée dans ce domaine, présente des avantages considérables en termes de coûts et de préservation des relations de voisinage.
D’autre part, l’émergence de nouvelles préoccupations environnementales pourrait influencer l’appréciation des infractions liées aux pergolas. Ainsi, une pergola supportant des panneaux photovoltaïques pourrait bénéficier d’une appréciation plus favorable des tribunaux, malgré son caractère potentiellement non conforme aux règles d’urbanisme traditionnelles.
La digitalisation des procédures d’urbanisme constitue une autre évolution majeure. La dématérialisation des demandes d’autorisation, déjà engagée dans de nombreuses communes, devrait faciliter les démarches préalables et réduire le risque d’infractions involontaires. Cette évolution s’accompagne d’un accès facilité aux règles d’urbanisme applicables, via des plateformes en ligne comme le Géoportail de l’urbanisme.
La prise en compte croissante du droit au logement et de la précarité énergétique pourrait également influencer l’appréciation des juridictions face à certaines infractions. Une pergola bioclimatique contribuant à l’efficacité énergétique d’un logement pourrait ainsi bénéficier d’une plus grande tolérance, notamment dans le cadre des politiques publiques de rénovation énergétique.
Enfin, l’évolution des techniques constructives et l’apparition de nouveaux matériaux posent la question de l’adaptation des règles d’urbanisme. Les pergolas modulaires, démontables ou à toiture rétractable interrogent les catégories juridiques traditionnelles et appellent une clarification de leur statut.
Ces évolutions témoignent d’une tension permanente entre deux impératifs : d’un côté, la nécessité de faire respecter les règles d’urbanisme pour préserver la qualité du cadre de vie et l’équité entre citoyens ; de l’autre, la prise en compte des nouvelles aspirations sociales et environnementales qui peuvent justifier certains aménagements.
Dans ce contexte mouvant, l’astreinte demeure un outil juridique puissant, dont l’efficacité repose précisément sur son caractère dissuasif et sa capacité à s’adapter aux circonstances particulières de chaque situation. Les propriétaires avisés auront tout intérêt à anticiper ces évolutions en consultant des professionnels avant d’entreprendre la construction d’une pergola, plutôt que de s’exposer aux conséquences financières potentiellement dévastatrices d’une astreinte.

Soyez le premier à commenter